Act for freedom now! / mardi 22 avril 2025
« Être gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, […] contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, […] c’est être […] mis à contribution, […] houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, […] jugé, condamné, déporté […]. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! »
Pierre-Joseph Proudhon*
Tant que nous subissons le totalitarisme moderne, tant que les lames de la domination nous mutilent, la solidarité guérira nos blessures, comme un médicament. Même s’ils nous enterrent, nous germerons comme des graines, ici et là, de manière irrégulière. Dans les sols les plus arides. Nous fleurirons à des moments imprévus, quand ils s’y attendent le moins. En contaminant les champs des États modernes.
Le 12 novembre 2024, j’ai été condamné à six mois de détention préventive. Dès les premiers jours en prison, j’ai présenté une demande de libération, qui a été rejetée quarante jours plus tard. J’ai présenté une deuxième demande et, après avoir attendu deux mois, j’ai reçu une réponse négative, tandis que, à peu près au même moment, le procès a été fixé pour le 2 mai. À mon avis, cela est un subterfuge : ils se sont empressés de fixer la date du procès, sans me laisser le temps de présenter une troisième demande. Parce que, dans ce cas, pour des raisons bureaucratiques, les procédures concernant le dossier auraient cessé et, par conséquent, le résultat serait que je serais libéré en raison de la fin du délai. Cependant, je cite cela en passant. Je crois qu’il est plus important de mentionner quelles ont été les réponses des conseils judiciaires à mes demandes. Il s’agit de trente pages d’allégations sans fondement et de pirouettes logiques consécutives. Il s’y déroule une histoire ridicule où, étant donné ma culpabilité, ils soutiennent que la méthodologie et les caractéristiques de cette action montrent une personne capable de commettre d’autres crimes similaires, compte tenu de ma personnalité particulière, à laquelle ils font encore et encore référence. Ils parlent de mon manque de respect envers les autorités, pour conclure que j’ai un désir irrésistible de leur nuire. Ils écrivent encore une fois à propos des livres et des publications à contenu anarchiste qui ont été trouvés chez moi, afin de renforcer le récit, répété ci-dessus, sur l’anarchiste très dangereux. Ils citent même une partie du texte qui revendique l’action du 11 octobre, dont je suis accusé. À un moment donné, on y évoque les passages à tabac, par les flics, de jeunes de la ville de Missolonghi. À la suite de cette citation, ils ont d’abord recours à l’argument futile selon lequel il s’agit d’incidents que seul quelqu’un.e qui connaît la police locale pourrait connaître. Ils affirment, en substance, que je suis responsable du texte en question. Bien sûr, dans la deuxième réponse, cette affirmation est absente. Elle a été remplacée par la conclusion, également arbitraire, que j’avais commis le délit et je m’en était vanté devant des tiers, dans le milieu anarchiste, qui auraient écrit la publication en question. Tout cela confirme à quel point la racaille judiciaire sait lancer des accusations en l’air, sans aucun fondement. Le 2 mai, je passe à procès à Missolonghi pour avoir placé un dispositif explosif devant le poste de police, accusé d’incendie volontaire, d’explosion volontaire, de possession d’explosifs et de dégradation de la propriété d’autrui.
Le contexte politique de cette affaire est clair. Je considère cette persécution précise comme une attaque directe contre ma personne et la manière dont j’ai choisi d’exister en tant que sujet politique. Non pas une situation isolée, mais une partie de la chasse aux consciences que l’État a déclenchée dans le but d’écraser toute trace de réaction, même dans la pensée. Le présent dystopique est en train de se développer. Des gens sont emmené.es devant les tribunaux parce qu’ils/elles possèdent des autocollants, des affiches et des gadgets. Les voyous en uniforme de la Police nationale grecque (ELAS) font irruption dans des logements d’étudiantes accusées d’avoir écrit des slogans, des activistes sont placé.es en détention provisoire sous des prétextes ridicules et le gouffre de la répression s’approfondit. L’État, c’est la mort, c’est le vol de notre souffle, la débauche, la suppression de la dignité humaine. Rien de tout cela n’est accidentel. C’est son essence et il veut que nous soyons sacrifiables, voire mort.es.
Cependant, malheureusement pour les maîtres, avec une grande obstination les barres se plient, les murs tombent, les royaumes s’effondrent. La dynamique de la lutte n’est pas supprimée. Je me souviens encore des discussions effrayées des flics qui surveillaient toute la zone de l’AT (le poste de police), pendant ma garde à vue. J’ai alors ressenti très fortement ce qu’il arrive quand la peur change de camp. Rien n’est en vain. Chaque moment de remise en question pratique de ce monde pourri est un coup de poing dans le corps du pouvoir, un coup de marteau dans les genoux de la justice bourgeoise, un coup contre les fondements de l’enfermement. L’anarchie vit et les franchira. Les petits ruisseaux de la désobéissance se transformeront en une rivière impétueuse. Les luttes contre l’État continuent, sans médiation, pour que nous puissions respirer, pour que nous puissions nous regarder dans les yeux les un.es les autres, pour que nous puissions voir le soleil plus brillant, pour la cause. À travers les voies du refus, un nouveau monde s’épanouira.
Un très grand merci du fond du cœur à tou.tes ceux/celles qui se sont impliqué.es d’une manière ou d’une autre dans la lutte contre ma persécution. Votre solidarité me donne une force indescriptible. La lutte est la vie et la vie est dans la lutte.
Liberté pour les compas emprisonné.es dans le cadre de l’affaire d’Ambelókipi.
Honneur à l’anarchiste Kyriakos Xymitiris.
Feu à toutes les cellules.
K.K.
Avril 2025
Prison de Kassavéteia
* Note d’Attaque : citation tronquée, extraite d’« Idée générale de la révolution au XIXe siècle », de 1851.